Un des enjeux du secteur associatif durant la période de confinement est d’organiser le travail à distance, tout en remplissant ses missions.
Le CARHOP, qui possède un centre de documentation, a voulu donner la parole aux gens de métier, à ceux qui, avant cette période de confinement, sont généralement en première ligne pour la collecte, l’organisation et la diffusion d’informations, c’est-à-dire aux bibliothécaires-documentalistes et à leurs publics.
Quels sont les impacts du confinement sur leur travail et leurs publics ? Comment les travailleurs.euses des centres de documentation se sont-ils.elles adapté.e.s ? Quelles sont les stratégies mises en place, par les bibliothécaires-documentalistes, pour pallier aux conséquences du confinement ? Comment effectuent-ils.elles leur travail à distance afin de répondre aux besoins de leurs publics ? Peut-on, à ce stade, évaluer les conséquences du confinement sur les centres de documentation ?
Le centre de documentation : rôle, financement et collections
Les centres de documentation n’évoluent pas dans le même cadre législatif que les bibliothèques publiques. En effet, il s’agit d’institutions privées qui dépendent d’un organisme spécifique et dont la mission principale est de fournir à leurs publics une documentation sur des thématiques précises. Ainsi, le rôle des centres de documentation n’est pas de posséder des collections généralistes mais bien de conserver et de diffuser des collections spécialisées en lien avec l’institution dont ils dépendent. Dès lors, ils sont financés par cette dernière et ne sont pas soumis au « décret du 30 avril 2009 relatif au développement des pratiques de lecture organisé par le Réseau public de la Lecture et les bibliothèques publiques »[1] qui fixe les missions et les financements des bibliothèques.
Le centre de documentation de l’Institut Cardijn est situé à Louvain-la-Neuve, sur le site du campus de l’Université. Il se compose d’un équivalent temps plein, à savoir une bibliothécaire-documentaliste, et d’une jobiste qui preste 3 heures par semaine. L’Institut fait partie de la Haute Ecole Louvain en Hainaut (HELHa)[2], implantée, comme son nom l’indique, dans tout le Hainaut. Cette institution propose deux formations : un baccalauréat en assistant social et un master en ingénierie et actions sociales. Son public se compose d’étudiant.e.s, dont les besoins en documentation sont précis et rythmés par l’année scolaire, les travaux et les sessions d’examens.
Les collections du centre de documentation de l’Institut Cardijn se présentent sur différents supports : des livres et des revues en format papier et consultables sur place ainsi qu’une importante sélection de références qui sont disponibles en ligne. Les collections conservées tournent autour de thématiques sociales : « travail social, sociologie, psychologie, droit, santé, économie, pédagogie, immigration, vieillissement, famille, précarité, délinquance, emploi, communication, etc. »[3]. Les étudiant.e.s ont donc accès à une documentation riche, variée et actuelle sur les contenus de leur cursus de formation.
Une des missions inhérentes du centre de documentation est la mise en place d’un service de recherche et d’aide à la rédaction de bibliographies, notamment pour les travaux de fin d’études. Il propose également, via son catalogue, une série de documents numériques accessibles en intégralité pour les étudiant.e.s.

Le centre de documentation de l’Institut Cardijn à l’épreuve du confinement
Avant la crise sanitaire et le confinement, les étudiant.e.s de l’école ont accès aux collections du centre de documentation et peuvent les consulter sur place. Ils.elles bénéficient également d’un système de prêt à distance. Via le catalogue en ligne, ils.elles sélectionnent une série de documents qu’ils.elles peuvent ensuite réserver pour un emprunt ultérieur. Les livres sont préparés par l’équipe du centre qui gère les réservations et, une fois les documents prêts, les lecteurs.trices, informé.e.s, peuvent venir les chercher sur place.
Le 11 mars 2020, face à la propagation de la pandémie de la Covid-19 en Belgique, la direction de la HELHa recommande fortement aux personnes à risque de rentrer chez elles. Le 12 mars, la bibliothécaire-documentaliste a un contact avec la direction de l’Institut Cardijn afin de voir ce qu’il est possible de mettre en place au niveau du centre afin de maintenir l’accès aux documents.
Du jour du lock-down, le 18 mars, jusqu’à la fin du mois de mai, l’Institut Cardijn ainsi que le campus de l’Université de Louvain restent inaccessibles et la plupart des membres du personnel rentrent en télétravail. Le centre de documentation de l’Institut fait de même. Dès lors, il n’est plus possible de transmettre les documents réservés par les étudiant.e.s : le système de prêt à distance ne peut être maintenu.
Dès lors, le travail de la bibliothécaire-documentaliste se concentre essentiellement sur la mise à disposition de documents électroniques. Ce sont les sources en « open data » qui permettent de garder un contact avec les lecteurs.trices et de maintenir l’accès aux documents malgré la distance et les freins qui découlent de la situation. Sur le site internet du centre de documentation, les étudiant.e.s ont accès à différentes informations les aidant dans leurs recherches. Un onglet est dédié aux portails de référence, afin d’orienter les étudiant.e.s vers d’autres espaces numériques susceptibles de posséder des ressources documentaires. Le centre ne bénéficiant pas d’abonnement à des revues spécialisées, certains portails en libre accès et proposant des articles scientifiques, comme le Cairn, sont davantage valorisés. Dès lors, les étudiant.e.s ont encore accès à des ressources tournées vers les sciences humaines et sociales. Ainsi, pour faire face au contexte inédit du confinement et aider les étudiant.e.s dans leurs recherche, le centre de documentation de l’Institut Cardijn renforce l’accès aux ressources numériques.
À partir de juin, la bibliothécaire-documentaliste reprend du service sur place, à raison de deux jours par semaine. À ce stade de l’année scolaire, les demandes se font généralement rares, puisque nous sommes à la fin de la période des examens. Le 22 juin, le prêt peut se remettre en place, permettant ainsi l’accès aux documents en format papier. Exceptionnellement, les prêts sont prolongeables jusqu’au mois de septembre. Bien que les examens s’organisent à distance, les étudiant.e.s sont autorisé.e.s à revenir sur le campus. Toutefois, très peu d’entre eux se rendent sur le site de l’Université. En effet, seulement quelques étudiant.es passent leurs examens sur place ce qui a, comme conséquence, directe très peu de passage dans les locaux, sur le campus, et, forcément, au centre de documentation. Pour les étudiant.e.s présent.e.s sur le site qui souhaitent remettre leurs emprunts, ils.elles peuvent se rendre dans le sas d’entrée du centre de documentation où des gels désinfectants sont mis à leur disposition. Les livres sont placés dans des boîtes en carton avant un traitement de décontamination. Le service de prêt de documents est remis en place durant les vacances d’été, mais est moins sollicité par les étudiant.e.s si ce n’est pour les secondes sessions d’examen. Certains étudiant.es renvoient, par courrier, les livres empruntés.
Depuis la fin du confinement et jusqu’à nouvel ordre, les informations communiquées sur le site internet du centre de documentation de l’Institut Cardijn concernant son accessibilité sont claires :

Conclusion
Durant la phase de confinement pour beaucoup d’acteurs.trices du secteur socioculturel, le télétravail est devenu la norme. Si le télétravail s’impose, encore faut-il l’organiser ! Le caractère inédit de la situation, l’urgence qui l’accompagne, et l’incertitude du contexte général renforcent les difficultés de sa mise en place.
Il va de soi que, pendant cette première phase de confinement, le contact physique avec les utilisateurs.trices du centre de documentation de l’Institut Cardijn est totalement coupé. C’est par le biais de la technologie numérique et, grâce à l’utilisation d’Internet, qu’une fenêtre s’est ouverte sur le monde et que les différents contacts humains ont pu être maintenus entre l’institution et leurs publics.
Les bibliothèques et les centres de documentation ont certes été fermés au public durant la période de confinement. Le seul témoin d’une certaine activité hors les murs est peut-être le fil de communication installé grâce aux réseaux sociaux et aux newsletters envoyées aux lecteurs. Les nouvelles technologies ont clairement permis de maintenir un certain contact avec le lectorat et, finalement, de préserver une des missions les plus importantes des centres de ressources : l’accès aux documents. Un accès partiel puisque ce sont les ressources électroniques qui ont été principalement mise en avant mais un accès tout de même.
Notes
[1] Consultable : www.bibliotheques.be
[2] La HELHa propose des bacheliers, des masters et des spécialisations parmi 7 domaines sur 15 implantations : Braine-le-Comte, Charleroi, Fleurus, Gilly, Gosselies, Jolimont, La Louvière, Leuze-en-Hainaut, Louvain-la-Neuve, Loverval, Mons, Montignies-sur-Sambre, Mouscron et Tournai (Don Bosco, Jeanne d’Arc, Social).
[3] Catalogue centre de documentation HELHa Cardijn Louvain-la-Neuve : http://cdocs.helha.be/pmblln/opac_css/index.php?lvl=search_result
Di Senzo L., « Confinement et accès aux documents : le cas concret du centre de documentation de l’Institut Cardijn », Dynamiques. Histoire sociale en revue, n°12, septembre 2020, mis en ligne le 15 octobre 2020. URL : https://www.carhop.be/revuescarhop/